Il était quatorze heures trente et je venais de reprendre mon service, après deux heures de coupure afin de manger tranquillement. J'étais d'excellente humeur. Je venais de fumer ma petite clope, sans avoir à me dépécher, je venais de couper l'étiquette de mon pantalon de serveur qui me grattait depuis des mois, bref, je me sentais bien. C'était assez rare ces derniers temps. Depuis la disparition de Bee, en vérité, j'étais grognon et je me renfermais sur moi-même, bien plus qu'avant. J'avais alors appris à apprécier les moments où, spontanément, un sourire se dessinait sur mes lèvres. Je me mis au travail, de façon efficace, tout en gardant le sourire.

J'apportai un café à une jeune femme au fond de la salle de restaurant. Il me semblait que, même si elle était physiquement à quelques mètres de moi, son esprit était parti ailleurs. Elle semblait dans ses pensées, et afin de ne pas plus la déranger, je marchai sur la pointe des pieds derrière elle, et, alors que je m'apprêtais à poser le café sur la table, elle se retourna brusquement et donna un violent coup de coude dans la petite tasse remplie à ras-bord. Je m'écartai à temps et le liquide bouillant s'écrasa sur le sol dans « shplouf » sonore. Je retroussai mes manches, dévoilant mes tatouages. Mon humeur s'assombrit d'un coup. Je jetai un coup d'oeil à la jolie blonde. Mais pour moi, à cette instant, elle n'était pas jolie. J'avais juste envie de l'étrangler. Je soupirai bruyamment, et sortis une serviette de la poche de mon pantalon. Je me baissai et commençai à éponger du mieux que je le pus le café sur le sol. Je levai les yeux vers la jeune femme, et en français, persuadée qu'elle n'allait pas comprendre un mot de ce que je m'apprêtais à dire, je déclarai ;

« Alors toi, tu es vraiment conne. Putain, mais merde quoi ! C'est fou, on dirait que j'attire les filles idiotes. Franchement, tu fais chier. Il y a des claques qui se perdent. »

Aaah, ça fait du bien. Je ne compris pas tout de suite le drôle d'air qu'elle se mit à arborer. Je venais de me défouler sans qu'elle comprenne quoi que ce soit. Elle pensait peut-être que j'étais malade mental, mais je m'en fichais, elle venait de passer à un cheveu de la mort. Et puis, ça m'aurait ennuyé de devoir l'étrangler, sachant que cela m'aurait fait perdre mon job.

Comme tout les mercredis après-midi Léonie passait un peu de temps dehors avant de rentrer chez elle. Moins de temps elle passait en compagnie de sa mère et mieux elle se portait. Après avoir déjeuné avec une amie et fait un peu de shopping, elle décida d'aller prendre un café. Elle en avait bien besoin pour s'aider à se réveiller un peu ayant un gros coup de barre.

Une fois dans le petit café, elle s'installa à une table et passa sa commande. En attendant celle-ci elle se plongea dans ses pensées, qui n'en étaient pas vraiment d'ailleurs. Elle s'était plutôt déconnectée de ce monde, jusqu'à ce que son attention s'arrête sur un joli petit tableau juste en face d'elle. C'était la première fois qu'elle mettait les pieds dans cet endroit en un an et n'avait pas vraiment fait gaffe à la décoration de la pièce qui pourtant était assez peu commune. Voulant voir à quoi ressemblait les murs derrière elle, elle se retourna d'un coup pour observer. Mais pas de chance pour elle, il fallut qu'elle tape dans le café que le serveur lui apportait. Oups.

Toute confuse elle balbutia très gênée. « Excusez moi. Je .. Je suis vraiment désolé. » Son teint pâle était devenue un peu plus rosée, mais elle s'aperçut que le serveur n'avait pas vraiment l'air d'écouter ses excuses. En revanche elle put constater qu'il manipulait très bien la langue française. « Alors toi, tu es vraiment conne. Putain, mais merde quoi ! C'est fou, on dirait que j'attire les filles idiotes. Franchement, tu fais chier. Il y a des claques qui se perdent. » Plutôt choquée du comportement du serveur, aucun son ne sortit de sa bouche. Après quelques secondes à le regarder nettoyer les dégâts elle finit par enfin ouvrir la bouche. « Tu sais parler à la clientèle toi dis donc. » Bien sûr elle venait également de parler français, histoire qu'il comprenne qu'il était tombé sur la mauvais personne. « J'espère que t'es pas comme ça avec tout les clients ou il y en aura plus beaucoup! » Quoi qu'il tombait surement pas sur des aussi maladroit qu'elle mais même. N'importe quel serveur aurait dit un truc du genre "c'est pas grave ne vous inquiétez pas", mais lui non, c'était même tout l'inverse.

En tous cas elle ne lui en voulait pas vraiment, après tout elle pouvait bien comprendre que ça l’embêtait de nettoyer un café au sol, en plus ça allait coller. Mais bon il aurait quand même pu cacher un peu plus la colère qu'il éprouvait ou du moins l'exprimer dans une autre langue!

Je baissai la tête et me concentrai sur le café étalé sur le sol afin de ne plus voir sa tête de blondasse idiote. J'étais encore une fois impressionné ; cette jeune femme avait réussi à faire en sorte que je sois d'une humeur exécrable, alors que je rayonnais quelques secondes auparavant. C'était dans ces moments là que je me rendais compte à quel point j'étais impulsif, et qu'un évènement pas si grave pouvait à mes yeux représenter la fin de mon monde. Une broutille m'énervait, et si je n'avais pas extériorisé toute cette colère, la jolie blonde se serait sûrement retrouvé avec un oeil au beurre noir, ce que mon patron n'aurait pas vraiment apprécié. Je sursautai presque en entendant sa voix. Me préparant à ce qu'elle bredouille de nouvelles excuses en aucun cas sincère, je fus très, très mais alors très surpris de l'entendre parler dans ma langue, le français. Relevant doucement la tête, je découvris son air outré et compris que je venais de faire une gaffe.

u.c, je finis vite léoutecasse-croute ♥