Ça faisait une semaine. Une semaine jour pour jour qu'ils s'étaient enterrés dans cette petite ville de l'Iowa. C'était pas le "petite" qui gênait Faith, c'est l'Iowa. Ce fichu état qui se trouvait à des centaines de kilomètres de Monroe, Lousiane. La ville natale des Delletto, là ou se trouvait tous ce à quoi Faith tenait. Elle avait tout perdu en venant ici, ses amis, sa famille, sa maison. Elle n'irait plus faire des pique-nique entre amis près du terrain de baseball, plus de déjeuner dominical chez sa grand-mère "Bonne Maman" qui préparait à chaque fois du Corned Beef avec du maïs grillé, parce que c'était le plat préféré de ses petits enfants. Elle ne pourrait plus se réfugier à la petite bibliothèque de son quartier pour lire les magasines de voyages. Il fallait qu'elle se trouve de nouveaux repères, et cela n'allait pas être facile.

Les Delletto avaient déménagé parce que le père avait obtenu une promotion, qui allait de pair avec une mutation. Il n'avait alors pas pu refuser. Et voila qu'au lieu de dormir chez une copine pour profiter des derniers jours de l'été, Faith vidait les derniers cartons de sa chambre. Sa nouvelle chambre, dans sa nouvelle maison, qui était certes plus grande et plus confortable que l'ancienne, qui était mal agencé et qui ressemblait à la réplique miniature des douze chênes. Mais cette maison, même plus spacieuse, n'était pas celle ou elle avait fait ses premiers pas, celle ou elle avait fait des taches de peinture rouges sur le tapis blanc du salon, celle ou elle avait fait sa première soirée pyjama… Tous les diner familiaux du mercredi soir ne se ferait plus entre les tableaux de ses ancêtres ayant fait la guerre de Sécession, elle ne serait jamais plus chez elle.

Dans sa nouvelle grande chambre, toute neuve et propre, Faith sortait les derniers bibelots, cadres et souvenirs de son ancienne vie pour les disposer sur les étagères. Elle se mit soudain à avoir faim. Elle sortit de sa chambre et descendit les escaliers de moquette grise, en observant les photos que sa mère avait déjà accrochées au mur. Des photos du mariage de ses parents, d'elle et de son frère à la maternité… On les voyait grandissant, toujours avec ce sourire particulier que l'on arbore quand on a toujours vécu dans une famille heureuse. La dernière en date était un portrait d'Ezio, le frère de Faith, fier dans sa voiture flambant neuve. Ezio qui, depuis le déménagement, sortait tous les soirs et rentrait au petit matin, ivre mort. Faith balaya cette pensée d'un geste de la main, et descendit les dernières marches pour se rendre à la cuisine. Sur les fourneaux mijotaient un poulet rôti et une purée aux marshmallows. Un plat typique du Sud qui n'aurait certainement pas le même gout en Iowa. Sa mère lui fit un sourire tendre, face à la mine triste de la jeune fille. "Tu continues d'arroser le poulet? Je vais rendre ce plat à la voisine." Faith acquiesça d'un hochement de tête et s'empara de la poire à jus. Elle arrosait consciencieusement la volaille quand un bruit sourd ce fit entendre. Un choc, des freins, et une accélération. Elle regarda ce qui se passait par la fenêtre puis tout devint flou. Les pas de son père résonnèrent sur le perron. Faith, comme happer, le suivit. Elle vit alors sa mère, dans sa robe à fleurs, baignant dans une marre de sang. Autant de sang pouvait-il ne provenir que d'un personne? Son père se jeta sans hésiter sur le corps presque inerte et somma à quelqu'un d'appeler les pompiers. Les voisins étaient tous sur leurs perrons, et normalement, cette tache aurait du revenir à Faith mais cette dernière était comme paralysé, les yeux dans le vague. Elle restait tout aussi immobile quand la sonnerie des pompiers se fit entendre, les lumières bleues et rouges envahissaient la rue, d'habitude calme. Faith ne pensait qu'à une seule chose. Ou était Ezio?

C'est un homme, en habit de pompier, qui alla la voir en premier. Personne n'avait avant penser à s'occuper d'elle, ce qui était normal. "Mademoiselle, mademoiselle venez avec moi, ne restons pas là, allons nous assoir, mes collègues s'occupent de votre mère, ne vous inquiétez pas." Faith aurait voulu crier, s'enfuir loin, pleurer son désespoir. Mais c'est, encore choquée, qu'elle demanda dans un murmure: "Quand Ezio rentre diner?"

« Asseyez-vous mademoiselle. Qui est Ezio ? Votre frère ? Il ne va pas tarder, ne vous en faites pas. Quel est votre prénom ? » Les mots résonnaient dans la tête de Faith sans qu'ils n'aient de sens. Que disait cette homme? Qui était-il? Il avait une drôle de tenue, et sa présence était bizarre. Elle le fixa longuement. Il était beaucoup plus grand que Faith, en âge bien sur, mais surtout en taille, ce qui n'était pas compliqué, Faith étant pas plus grande qu'un lutin. Sa posture confiante et ses lèvres roses provoqua chez Faith un élan de confiance pour cet homme. Tous les pompiers étaient-ils recruté sur ce critère? Inspirer la confiance?

Faith voulu lui parler, lui poser des questions. Les mots restèrent coincé dans sa gorge lorsqu'elle jeta un coup d'oeil vers la camionnette du samu qui venait d'arriver. Alors sa tête retrouvât sa lucidité et toute la scène s'accélérât comme si le temps qui venait de s'écouler s'était étiré paresseusement comme un gros chat. Le bruit et l'agitation de la rue s'amplifièrent. Les sirènes des camions de pompiers résonnaient dans la petite rue pavillonnaire. Les voisins se pressaient sur leurs perrons ou autour du cordon de sécurité, curieux de voir qui avait été renversé, avides d'informations éparpillés, dégoutés ensuite de la scène. Les forces de l'orde cherchaient eux à ramener le calme, comprendre ce qui c'était passé, et plus important, essayaient de ramener le corps étendue dans une mare de sang à la vie. C'était la tache la moins aisée et un oeil neuf sur cette situation aurait attesté sans être médecin que la cause était perdue. Le sang que Mme. Delletto avait perdu aurait pu remplir un château d'eau. Sa peau étaient blanche comme un linge, et son torse ne prenait même plus la peine de se soulever pour témoigner de sa respiration. Faith était perdue. Elle ne reconnaissait plus rien. Elle aurait voulu se rouler en boule et pleurer, pleurer jusqu'à la fin. Des larmes remplirent ses yeux, sa vision se brouilla. Les maisons du quartier se flouaient, les arbres des jardins bien entretenus se transformaient en masses vertes et informes, les parterres de fleurs n'étaient que taches de couleurs de dansaient sur la rétine de la jeune fille. Et, plus important encore, le ballet des pompiers qui déambulaient dans la petite rue devenait irréel, comme sortit d'un rêve un peu étrange. Par réflexe malheureux, Faith sécha ses larmes.

La réalité la rattrapa plus vite que l'on pouvait la contrôler. Encore une fois tout s'accéléra. Elle reporta son attention sur l'homme qui lui avait parlé. "Je m'appelle Faith, j'ai a peine 16 ans, ma famille et moi venons d'arriver à Middle Fawkes, nous venons de Monroe, en Louisiane, vous savez il fait chaud là-bas, et puis il y a personne dans les rues, et là, y'a une voiture… et puis voila, vous êtes là. Qui êtes vous?"

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