Bip bip bip bip !! Le réveil sonnait, les sept heures du matin. J'étais épuisé, je n'avais pas beaucoup dormi. Je m'étais couchés très tard, sur les coups des deux, trois heures du matin, saoul, avec peu de souvenirs du début de soirée. C'est ainsi qu'avec un mal de crâne du tonnerre, je me levai et m'habillai. Ce matin, j'avais mon entretien d'embauche il ne fallait pas que je sois en retard, ce job me plaisait vraiment, j'espérai juste, au fond, que l'on ne me poserait pas les mauvaises questions. Ou plutôt les questions qui fâchent, celle un peu tendu, sur mon passé et sur ma vie en prison. Petit morceau de ma vie qui, depuis ma libération, est une véritable barrière entre moi et la vie active.

Je jetai un petit coup d'oeil à ma boite mail. Toujours aucune nouvelle de Madi. Madi c'est ma petite soeur, je ne l'ai pas revue depuis mon incarcération il y a deux ans. J'ai envoyé à mon arrivée en ville, un mail à notre dernière famille d'accueil, mais toujours pas de nouvelle. J'espère, au fond de moi, qu'elle va bien et que je pourrais bientôt la revoir, mais en attendant, il fallait que je me dépêche, j'allais finir par être en retard.

Après un sprint endiablé, j'arrivai à l'arrêt de bus trempé de sueur, au moment même où celui-ci s'apprêtait à lever les gaz. In extremis je grimpai à l'intérieur, m'installai au fond et tout en essayant de me rendre à peut-près présentable, je me faisais au sein de ma petite tête tous les films possibles sur ce foutu entretien d'embauche. Pile à l'heure, le bus me déposait au pied d'un de ces buildings du quartier d'affaire. Ce quartier de riches, où je n'avais aucunement l'habitude d'aller y fourrer mon nez. Mais là c'était particulier, un job comme celui-là, cela ne se refusait pas. Au fond je me demandais bien qui avait eu l'idée d'envoyer, pour moi, un CV et une lettre de motivation. C'est vrai, je n'avais rien fait pour l'avoir ce poste, je ne savais même pas en quoi il consistait. Je savais juste qu'il fallait être jeune, s'y connaître un minimum en informatique, être sociable et entreprenant. En post-scriptum il était marqué, que si les candidats avaient un physique avantageux, cela serait un véritable plus.

Les étages défilaient à une vitesse folle sur l'écran de l'ascenseur quand tout d'un coup celui-ci s'immobilisa. Les portes s'ouvrirent et je débarquais au milieu d'un hall, très joliment meuble. Face à moi un bureau avec derrière une secrétaire qui avait l'air surbooké. Après un bref regard à son registre, sans même me demander mon identité, elle m'indiqua un petit salon se situant à l'opposé de l'ascenseur. La pièce était vide et sentait bon les herbes de Provence, drôle de parfum d'intérieur tout de même. Après une dizaine de minute, un homme, la cinquantaine d'année dans un costume 3 pièces de couleur m'appela et m'invita à entrer dans son bureau. L'entretien allait enfin commencer et sincèrement j'espérais que tous ça allait bien se passer.

L'homme avait un visage sévère, une légère barbe de 1 ou 2 jours, un nez aquilin, des yeux marron foncés et des cheux courts, qui renforçait la sévérité de son visage. À peine entrer l'homme m'invita à m'asseoir dans un fauteuil en cuire de l'autre côté du bureau. Il commença à feuilleter mon CV et une fois qu'il l'avait bien imprégné, me posa la première question.

Tout d'abord, bonjour. Je me nomme Mark Walander, je suis le directeur de cette agence de photographie, mannequinât, escort-boy. Comme pour tous les candidats, vous avez été invités ici de manière totalement anonyme. Vous ne saviez pas où vous alliez et moi je ne savais rien d'autre sur vous à part votre cv. Si je me réfère à celui-ci, je vois que vous vous appeler Eyghton Donovan Grooths, que vous avez 22 ans, que vous aimez prendre des photos, plaire et draguer les filles. Tous cela est-il exact ?

Cet homme me connaissait mieux que je ne l'imaginais. Quelle personne me connaissant aussi bien, avait pu envoyer ce dossier ? Lui avait-on tous dit sur moi ? De mon enfance difficile d'orphelin, à mon séjour en prison. C'est donc légèrement tendus que je lui répondais :

Oui pour l'instant tout est exact. Je suis bien fan de photographie et ai bien fait un peu de mannequinât dans mon adolescence. Mais sachez que certes j'accepte d'être un escort-boy, mais pas un gigolo. Je ne veux pas être une p*** au masculin. Je veux conserver mon estime, on est d'accord ?

Un rictus se forma sur le visage de mon interlocuteur. On aurait dit que ma question l'amusait. Qu'est ce qu'elle avait de drôle, je me le demande encore, mais bon on ne comprend pas toujours ce qui passe par la tête des gens que l'on côtoie. Après quelques secondes à se regarder fixement, il me dit :

Ne vous inquiétez, rien d'illégal ne vous seras demandé. Tout ce que vous ferez sera celons votre bon vouloir, nous ne forçons personne à faire quoi que ce soit. Au fait j'ai sous les yeux une courte biographie de votre vie. Votre vie n'a pas dû être facile, mais je ne vous en veux pas, il y a juste un problème. Un trou de deux ans dans le fil de votre vie, comme si vous aviez totalement disparus. Que c'est-il passer durant les deux années qui viennent de s'écouler ? Cela à t-il un lien avec l'absence dans votre dossier d'une copie de votre casier judiciaire ? Pourriez-vous m'éclairer sur ce point s'il vous plait ?

Et voilà, le sujet qui fâche arrivait sur le tapis. Comment allais-je m'en sortir ? Par quelle pirouette allais-je réussir faire passer la pilule de mon séjour en taule. Je passais ma main dans mes cheveux, puis me mettait à tousser, tics que j'effectuais toujours quand j'étais dans une position difficile. Je relevais la tête et après avoir pris une bonne bouffée d'air dit :

Voilà, durant ces deux années j'étais de l'autre côté du pays dans un centre de rétention. En effet j'ai fait de la prison. Je pense sincèrement que cela n'aurait servis à rien de me cacher, vous auriez bien découvert cela un jour où l'autre. Mon casier judiciaire est donc par conséquent bien plein, vous voulez quand même que je vous en fasse une copie ? Pour les raisons de ce séjour je préfère les garder pour moi si cela ne vous dérange pas ?

L'homme avait l'air étonné, il fronça les sourcils comme si quelque chose n'allait pas. Je commençais à me faire du soucis, je le vis se replonger dans sa paperasse avant de me dire :

C'est très courageux de m'avoir dit la vérité même si j'aurai quand même apprécié connaître les raisons de cette incarcération. Je vais demander par mes propres moyens la copie de votre casier judiciaire, ne vous inquiéter pas. De plus cela ne nous dérange pas le moin du monde. Voilà l'entretien est terminé, je vous rappelle pour vous dire le résultat. Merci et au revoir.

L'homme me tendit la main que je sais avec fermeté. C'est ensuite après un sourire que je quittais le bureau. Quelques jours plus tard je recevais un mail, j'étais embauchés, quel bonheur. Mais mon job ne commenceraient que dans deux mois. En attendant, j'avais le temps de m'habituer à la ville à ses habitants, de m'installer comme il faut dans la coloc et ensuite de pouvoir repartir sur de bonnes bases dans la vie active. Il ne me manquerait plus que ma soeur et tous serait parfait.