Une mère aux allures de diva mais au sac rempli de Xanax emmène son gosse voir la psychologue réputée de la ville, miss Yevpraksiya. Paraît qu'il a une phobie de l'école. Causée, dit-elle, par une certaine "Bee", qui apprécie particulièrement martyriser ses petits camarades. Easy, se dit Anastasiya, jusqu'à ce qu'elle aperçoive la ressemblance de l'enfant avec son frère. Après la séance qu'elle a passé encore plus muette que d'habitude, déjà que les psy ne parlent pas beaucoup, elle prend congé et va se balader dans la ville. Elle ne peut s'empêcher de penser à son frère. Et à cette gosse ce matin, qui a vu son père mourir sous ses yeux. Mais qué pasa ? Qu'est ce que ce métier fait d'elle, hein ? Ressortir son passé, hein ? ...  
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Son cadavre gisait sous ses yeux. Tout cela s’était déroulé si vite… Tic. Tac. Tic. Tac. Le silence pesait, seule l’horloge émettait ces quelques bruits. Elle ralentissait, ce son signifiant se faisait plus lent. Il était à l’image des battements de cœur du jeune homme de treize ans. Un homme se tenait à ses côtés, horrifié, tremblant. De la même manière que je l’étais. Il s’agenouilla alors péniblement à côté de son corps. Du sang se répandait peu à peu sous sa tête. L’homme prit visiblement son pouls, et se mit à pleurer. Le verdict semblait tomber, dans cette pièce empestant l’alcool. Une jeune femme à la chevelure blonde était spectatrice de ce qui n’était qu’un « accident ». Mais rien n’est un accident. Tout est un effet d’une cause. La causalité, triste histoire de la vie de la jeune femme, dont les larmes peinaient à perler le long de ses joues, tant le choc la laissait bouche-bée. Elle ne prit le temps de rassembler des affaires. Elle prit la fuite, au volant de sa voiture dont le moteur semblait en fin de vie. Le visage du jeune homme gravé à jamais. Un visage défait. Vide. Mort.

On ne la revit plus jamais.

Les yeux grands ouverts, j’observais le jeune homme du même âge que celui de mes souvenirs. Approximativement. Même âge, mais aussi les mêmes traits. La même chevelure, des yeux verts similaires. J’en devenais pâlotte, les lèvres tremblantes. Je m’efforçai alors d’afficher un sourire surfait. J’invitais la mère et son fils à prendre places dans mon cabinet. Je demandais alors à la mère un petit résumé quant à la raison de leur venue. Une phobie scolaire, rien de bien méchant. Seulement, les traits communs avec le jeune homme dont l’image me hantait, allait rendre la tâche quelque peu compliquée. Je priais alors la mère de quitter le lieu, pour le secret professionnel. J’invitais ensuite le jeune homme à s’installer sur le canapé réservé à mes clients. Enfin, patients… Perturbée, j’évitais alors de croiser son regard. Je lui affirmais alors que je me contentais de lui poser quelques questions pour cette première séance, sans lui parler d’une quelconque autre manière. Ce n’était pas ce que je faisais habituellement, étant plutôt professionnelle d’une manière générale. Cependant, je n’étais pas en mesure d’entretenir une conversation aussi importante, face à ce passé qui ressurgissait péniblement. J’avais même du mal à assimiler les informations qu’il me fournissait, me contentant de les retranscrire sur papier. Je ne prêtais alors pas attention à la fameuse « Bee » responsable de cette supposée phobie scolaire, alors que cela aurait dû m’interpeller.

L’heure terminée, j’invitais la mère à la chevelure sensiblement identique à la mienne à nous rejoindre, afin de faire un petit point. « Eh bien. J’ai posé un certain nombre de questions à votre fils. Cela va me permettre de pouvoir… ahem. Excusez-moi. » Me coupai-je subitement, encore préoccupé par ce passé ressurgissant subitement. J’esquissais un sourire faux. « Donc. Je vais pouvoir me baser sur ses réponses durant la prochaine séance, afin de faire un regroupement d’informations et de réellement en extraire le problème de cette… phobie scolaire. Du moins, c’est ce que j’en ai déduis suite à cette heure. En soit, les troubles de votre fils ne me semblent pas très profonds, cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps afin de lui faire prendre conscience qu’il n’y a rien de grave ! » Mentis-je. En règle générale, je lui ferai passer un grand nombre de séances afin d’extorquer le plus de thunes à sa pauvre mère aux allures de péripatéticienne. Mais le trouble que provoque son enfant sur ma personne ne sera pas soutenable bien longtemps. Je m’éclaircis alors la voix et repris, sur un sujet tout autre… « Concernant mes honoraires… Ils sont de cent-cinquante dollars pour cette première séance. Un trouble étant constaté, il y aura donc nécessité d’en venir à, je dirai, trois séances supplémentaires, qui seront de chacune deux-cent dollars. Je n’accepte que les chèques, cependant. » Fis-je munie du grand sourire de femme vénale que j’étais. « Euh… Oui, bien sûr. Donnez-moi quelques instants je vous fais ça de suite ! Et euh… Je. Ahem. Je suis sous traitement, du Xanax, et ahem… La personne que je vois pour mes prescriptions ne sera pas disponible pendant encore de longues semaines. Je me demandais si… Vous pourriez m’en prescrire ? Ce serait vraiment, vraiment très sympathique de votre part. Je n’aime pas devoir vous demander cela, mais…  » Demanda la femme d’une voix peu assurée. « Il serait illégal que je vous en prescrive de la sorte. Je ne connais rien sur… » Commençai-je alors qu’elle me coupa subitement la parole. « Je peux vous payer. » Enchaîna-t-elle, m’aidant grandement. Je n’avais pas à amener cela avec tact, elle m’ôtait cette épine du pied. Je retenais alors un sourire. « Cinq-cent dollars de plus. Comprenez, pour le risque… » Répondis-je  alors. Elle ne prit pas la peine de répondre et remplit immédiatement le chèque, d’une valeur de six-cent cinquante dollars. Rentable, cette heure… Je lui fournis alors l’ordonnance et nous procédions ensuite à l’échange de papiers. Ordonnance pour chèque. Tout argent était bon à prendre. « Je vous remercie madame Yevpraksiya ! Vraiment ! Je vous appellerai pour le prochain rendez-vous. » Lança-t-elle ravie, me serrant la main. Son fils fit de même. « Mademoiselle. Et je vous en prie ! A bientôt, bonne fin de journée à vous. Au revoir. » Me contentai-je de dire, fermant la porte derrière eux.

Quinze minutes plus tard…

Il me fallait au moins ce quart d’heure afin que je puisse décommander mes autres rendez-vous de la journée. Je ne pouvais décemment pas accepter de voir qui que ce soit me parler de sa vie pleine de problèmes. Les rendez-vous annulés, je rassemblais mes affaires et quitta le bureau avant de quitter la maison – qui était mon domicile. Je ne pris pas la peine de prendre mon véhicule et me rendis dans le centre-ville à l’aide de mes longues jambes de femme fatale blonde. Avais-je choisi la meilleure profession qui soit ? Ce domaine m’intéressait, mais pour me retrouver confronté à cela… Je commençais à en avoir des doutes. Ce garçon, il était lui. Les mêmes traits. Je ne parvenais pas à m’ôter son visage de l’esprit. A chaque coin de rue, l’illusion de sa présence apparaissait. Je ne savais plus où marcher. J’en venais même à avancer en fermant les yeux, ce qui je le concède, n’était pas le meilleur moyen de chasser une mauvaise pensée de son esprit, le principe ne faisant qu’accentuer le concept d’imagination. Comme si cela n’était pas suffisant, il y avait cette petite, ce matin… Son père était mort sous ses yeux. Personne ne devrait avoir à vivre cela. Personne ne devrait voir un être cher être enlevé d’une quelconque manière, prématurément dans de nombreux cas. Regardez ce que cela fait sur la nature humaine. Une telle vision entraîne un traumatisme sur toute personne ne parvenant pas parfaitement à gérer ses émotions. Cela finit par vous ronger, et vous change. Cela m’a changé. Et même si j’ai tiré un trait sur mon passé, il finit toutefois par revenir au galop, au travers de choses qui par leur nature, n’ont pas forcément de rapport direct avec celui-ci.

J’en venais même à me demander si cette profession, cette vie, étaient de bonnes choses pour moi…