« Hellana Jaylann Anderson est attendue dans le bureau du proviseur. » La voix de Katie du secrétariat du proviseur retentit dans toute la cafétéria. Si généralement ce genre d'annonce à mon nom ne me surprenait pas en fonction de mon comportement cette fois-ci je fus surprise de l'entendre, je n'avais pourtant rien fait qui justifie de me rendre dans le bureau de ma mère. Au contraire même, depuis que j'avais quitté la maison, j'arborais un comportement exemplaire pour éviter au maximum de m'y rendre. Les professeurs étaient mes principaux témoins, je ne leur avais pas manqué de respect depuis des lustres et arrivais à l'heure à chacun de leur cours. Je ne séchais même plus pour trainer au terrain de foot avec Jules! Les gens pensaient pour la plupart que le décès de Bee m'avait rendu faible, je n'effrayais même plus les loosers du lycée!
Ma première idée fut de rester assise et de ne pas y aller, après tout c'était probablement un piège de ma mère, je n'avais rien à me reprocher pour une fois. Je continuais donc de manger mes frites, sans lever une seule seconde les yeux vers Allan en face de moi, ni même vers Jules qui assis à mes cotés pressait sa main sur ma cuisse comme pour me montrer qu'il était là pour moi. Quelle idée j'avais eu de manger avec eux, depuis que l'on avait retrouvé le corps de Bee ils me traitaient tous les deux comme si j'étais une poupée en porcelaine au milieu d'un troupeau de buffle et ça m'exaspérait au plus haut point. Je n'avais même pas besoin de lever la tête pour savoir qu'ils me fixaient tous les deux avec leur regard compatissant, j'en avais déjà la nausée. Je préférais encore subir ma mère que leur discours de bisounours! C'est pourquoi je me levais sans prononcer un mot, posant mon sac sur mon épaule nue et traversant la cafétéria sous le regard des autres lycéens. Alors que je passais devant un groupe de mec l'un d'entre eux se permit même une petite remarque. « Oh Hellana a fait des bêtises... » prenant une voix niaise de bébé. J'étais vraiment tombée bien bas pour que ce looser ose se moquer ouvertement de moi en public. « La ferme idiot! » Je le rappelais à l'ordre d'une tape sur la tête, qu'allait-il faire de toute manière frapper une fille?! Non rien du tout je le savais et lui aussi c'est pourquoi il se tut pour de bon.
Je traversais alors le lycée, rejoignant le bureau du proviseur, un chemin que je connaissais par coeur, j'y entrais même sans toquer à la porte ni même demander l'autorisation à Katie qui elle-aussi me lançait son regard compatissant. Qu'avaient-ils tous aujourd'hui?! Je n'étais pas une fillette, certes j'étais bien plus irritable qu'à l'accoutumé et le nombre de personne avec qui j'étais agréable s'était considérablement réduit mais je n'allais pas pleurer dans le toilettes à chaque pause entre les cours non plus! Je compris immédiatement que mon idée du piège était la bonne, ma mère qui d'habitude était installée face à son bureau se trouvait sur le divan qu'elle n'utilisait que pour évoquer les sujets graves, j'avais d'ailleurs l'habitude de l'appeler le divan des victimes car il n'y avait que lorsque l'on était clean qu'on pouvait s'y installer. Ne voulant pas lui montrer une quelconque gentillesse je m'asseyais quant à moi sur la chaise en bois face au bureau du proviseur, pas un mot pas un regard, rien. « Bonjour ma chérie... Faut qu'on parle, tu penses pas? » Elle m'avait peut-être piégée mais cela ne signifiait pas que je devais me montrer agréable, au contraire même je lui répondis d'une voix sérieuse et impersonnelle, fixant un nuage perdu dans le ciel bleu de Middle Fawkes. « Désolé madame mais je m'appelle Hellana Anderson. Pourrais-je savoir ce que j'ai encore fait pour me retrouver dans ce bureau? » Hellana, ce prénom que je détestais tant, je l'avais abandonné lorsque j'étais enfant pour Hell, et ma mère était la seule personne à ne pas vouloir utiliser ce diminutif. En l'utilisant moi-même, comme je le faisais uniquement avec les étrangers chargés des papiers administratif ou autres conneries du genre, je lui montrais bien le ton de la conversation qui allait suivre.